J’ai récemment vu au cinéma le film « Le Mirage » réalisé par Ricardo Trogi et écrit par Louis Morrisette et François Avard. Même s’il se positionnait comme une comédie dramatique, je l’ai trouvé très réaliste et pertinent.
En gros, le film décrit la vie d’un couple typique de « haute classe moyenne » habitant une prestigieuse maison en banlieue. Patrick Lupien, le personnage principal incarné par Louis Morrisette, est propriétaire franchisé d’un grand magasin de sports. Il a aussi une conjointe et deux enfants en santé. Vu de l’extérieur, il semble avoir une vie parfaite. J’irais jusqu’à dire que beaucoup l’envieraient…
Toutefois, le scénario nous met en contact avec l’envers de la médaille. Ce couple vivant beaucoup dans le « paraître » et « l’avoir » est très malade et dysfonctionnel. Voici quelques angles d’analyse décrivant aussi plusieurs couples :
Manque d’authenticité et responsabilité du personnage principal
Patrick Lupien souhaite dégager l’énergie du « mâle alpha » même si sa vie déraille à tous les niveaux. Il est incapable de montrer de la vulnérabilité, notamment avec sa partenaire. Celui-ci semble incapable de voir la réalité en face. Il fait preuve de déni en ignorant ses difficultés financières et en continuant d’endetter son ménage. Je le soupçonne de se comparer à son couple d’amis qui affiche une très grande réussite matérielle et qu’il voudrait paraître aussi riche qu’eux. Quelqu’un qui est incapable de reconnaître ses problèmes vit avec une conscience très limitée. Un individu inconscient, à mon avis, est très irresponsable. Cela amène chez le personnage principal une lourde anxiété existentielle qu’il tentera d’échapper…Qu’est-ce que la définition du snobisme ? Acheter des choses qu’on n’aime pas avec de l’argent qu’on n’a pas pour impressionner des gens qu’on n’aime pas ! Quel manque d’authenticité !
Compulsion sexuelle du personnage principal
Comment échapper à cette anxiété existentielle ? Par la sexualité. Patrick Lupien multiplie les séances de masturbation devant des vidéos pornographiques. Il vient un moment où sa conjointe trouve plus de 100 pages consultées de contenu pornographique dans son historique de navigation. À ce moment, nous pouvons le voir consulter une psychothérapeute / sexologue. Notons aussi qu’il regarde compulsivement le facebook d’une amie de sa conjointe alors qu’il est au travail. Il finit par tenter de séduire cette femme mais cela échoue lamentablement. Il va jusqu’aux attouchements sexuels. En fait, il a peu de pouvoir sur son désir sexuel. C’est comme si c’était plus fort que lui….Il y a donc un manque de liberté au niveau de l’agir (choisir consciemment de s’engager ou de se désengager d’une situation selon les données de notre environnement). Ce manque de liberté s’exprime à la fois dans sa manière d’être au monde générale et dans sa sexualité.
La conjointe de Patrick : faible identité et surcompensation
La conjointe Isabelle, interprétée par Julie Perreault, est affectée par un épuisement professionnel dans le scénario. Elle consomme des antidépresseurs et elle semble « surcompenser » dans les dépenses matérielles. Elle semble concevoir que la carte de crédit de son conjoint n’a pas de limites. Il lui arrive même de considérer une augmentation mammaire afin de devenir aussi « sexy » que son amie. En observant Isabelle, nous voyons le vide existentiel qu’elle traverse ainsi que son identité peu consolidée. Cette faible identité se traduit aussi par un faible désir sexuel, voire absent. Certaines scènes du film montrent aussi son incapacité à être séduisante et à apprécier la sexualité. Par exemple, alors qu’elle faisait une fellation à son partenaire, elle se préoccupait de tâches ménagères…
Une dynamique de couple dysfonctionnelle
Nous assistons donc à l’union de deux individus qui ne sont pas biens avec eux-mêmes. Cela donne un cocktail dangereux. Plus le film avance, plus nous constatons leur manque de communication. Par exemple, Patrick est incapable de dire à sa partenaire Isabelle qu’il n’est plus vraiment attiré par elle. Ils auraient pu travailler la séduction dans leur couple mais il s’avère impossible de remédier à une problématique qui n’est même pas reconnue et verbalisée par le couple. Je dois reconnaître que la prise d’antidépresseurs chez la femme vient réduire son désir sexuel mais ce n’est pas une raison pour ne pas communiquer ou au moins essayer quelque chose de nouveau. D’ailleurs, la scène dans le salon échangiste montre les insécurités et le sentiment d’infériorité de la conjointe quand Patrick fait allusion à un « trip à quatre ». Oui, la sexualité ouverte est une question de valeurs mais dans ce cas-ci, c’était plutôt l’insécurité du personnage incarné par Julie Perreault qui parlait…
Un peu d’espoir à la fin
À la fin, nous pouvons voir Patrick Lupien courir dans la nature quelques semaines suite à sa rupture. Il réussit enfin à effacer les messages vocaux qu’il avait envoyés à son ex (Isabelle) pour la récupérer. Il sort de l’étape du déni et ose prendre un nouveau départ dans sa vie. Il se rend probablement compte qu’il n’a pas besoin de cette grosse maison et de ses milliers de gadgets électroniques dont il n’a pas besoin. Il semble apprécier sa petite roulotte et sa nouvelle liberté. J’imagine qu’il se sent enfin vivant.
Mon mot de la fin
Suite au visionnement de ce film, il s’avère tout à fait normal de se sentir cynique face aux relations de couple à long terme. Nous contactons tout l’ennui et le vide parfois sous-jacent à ce type de relations. Toutefois, il faut garder en tête que cela peut être évité. Ici, nous avions deux personnages avec de sérieux problèmes…Il suffit que nous prenions deux êtres authentiques et matures et la situation pourrait drôlement s’améliorer.